Un
joyau archéologique au sein du Morvan
Le surprenant massif du Morvan,
constitué essentiellement en un vaste plateau de moyenne
montagne aux formes mollement vallonnées donne une impression
d'immensité. Relevé au sud au Mont du Haut-Folin (902
mètres) et doucement fléchi en direction du nord (250
mètres à Aballo ; aujoud'hui Avallon), le territoire
de la "Montagne Noire" (Morven
en celte) est incisé par de nombreux torrents.
Les eaux qui seraient originaire du Mont blanc(!) taillent le granit,...
jaillissent, puis ruissellent vers le bassin méridional d'Augustodunum
(Autun)...
Cet
article (à vocation exclusivement pédagogique) vous
présente l'histoire des découvertes gallo-romaines
de la "Montagne Noire" au site des Bardiaux.
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En
plein Morvan
Le
théâtre gallo-romain
des Bardiaux
Cliquez
sur chacune des images pour les agrandir
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L'eau !
L'eau ! Comme
on lui en veut, quand sous forme de pluie, elle gâche un
beau week-end. Mais combien elle est agréable et indissociable
de la vie ! ...
Combien d'aqueducs gallo-romains ont transporté le précieux
liquide vers les cités et parfois jusqu'aux thermes, (salles
d'eaux et lieux de détente et de culture) ?
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En
1867, Jean-François BAUDIAU, curé de Dun-les-Places,
membre de la Société nivernaise des lettres, sciences
et arts, et de plusieurs autres sociétés savantes
à Nevers, écrivait :
"Aux Bardiaux, où le peuple croit qu'il y eu une
ville on a découvert de nombreuses médailles et
d'autres objets curieux"...
Une
centaine d'années plus tard,
dans les années soixante, lors d'un captage, on découvrait
de nouveaux fragments des tuiles.
Le site semblait donc susceptible d'intérêt...
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Puis,
dix ans plus tard, au même hameau des Bardiaux, sur la
commune de ARLEUF dans la Nièvre, un homme moderne mais
au savoir résolument antique,
utilise sa tractopelle hydraulique...

Le
personnage, intemporel, (qui est alors le dernier puisatier
de la région) utilise couramment son engin, de main de
maître, pour ouvrir des sources... C'est d'ailleurs lui
qui a découvert les sources dans le village.
L'homme, Jacques
Hédeline, travaille
aujourd'hui à aider le Docteur L.
Olivier
et le groupe de recherche archéologique du Haut Morvan
pour inspecter de nouvelles prairies situées sur une
ligne de partage des eaux qui sépare le Nivernais de
la Bourgogne.
Un
soir,... alors que les scientifiques étaient partis,
découragés de ne rien trouver, le puisatier prospecte
encore,... Il décide alors de creuser une tranchée
en travers de tout le chantier !
"C'est comme ça que je suis tombé sur
un mur."
"Toujours à la pelle hydraulique, je l'ai suivi
en douceur. C'était le mur d'enceinte d'un petit amphithéâtre
!"
"De là, on a pu tout mettre à jour !".
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Le
puisatier (Jacques
Hédeline) a trouvé le
détail d'un mur d'enceinte...
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On
découvre alors le plus beau vestige gallo-romain de cette
région.
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La
méthode empirique du puisatier vient de révéler
le plus beau vestige gallo-romain de cette région qui est
pourtant très riche !
En pleine montagne noire, en 1970, on découvre enfin les
ruines d'un théâtre rural... Bien
que les dimensions soient modestes, celui-ci va
révéler un site
qui sera le centre de cinq années de fouilles...
Sous
une couche de remblais de trois à quatre mètres
de terre stérile, le puisatier a donc initié les
découvertes de nombreux vestiges. La nature de ce remblayage
presque étrange pourrait avoir été intentionnelle
dans le but de faire disparaître les traces d'une époque
funeste après une invasion... D'autres hypothèses
faisant intervenir des raisons idéologiques ne sont pas
exclues pour expliquer ce recouvrement des lieux.
Bien
plus qu'un mur d'enceinte !
Ce théâtre a été construit au IIe siècle
après JC... Le diamètre de la cavea (constituée
de la pente du coteau) mesure 45 m, la capacité du théâtre
bâti en six gradins est de 2.000 places.
Adossé à un vallon, l'édifice extra-urbain
(répertorié aujourd'hui aux monuments historiques!)
est orienté au sud-ouest. Le site est implanté sur
le flanc sud d'une colline qui borde une dépression traversée
par l'Yonne. Les restes d'une habitation sont également
découverts sur le site.
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Les
vestiges d'un théâtre !
Les
vestiges du théâtre sont constitués de six
terrasses concentriques, progressives et échelonnées
sur une distance de totale de 45 mètres. La pente naturelle
du vallon offre un dénivelé de 6,5 mètre
qui permet de voir parfaitement la scène. Les gradins sont
constitués de paliers en terre. Peu élevée
et haute de 40 cm à peine, l'enceinte est constituée
d'un muret de granit maçonné de 50 cm d'épaisseur.
La forme n'est pas tout à fait celle d'un hémicycle
et rappelle d'avantage l'idée de l'odéon grec.
Pour entrer dans le théâtre,
les spectateurs pouvaient emprunter deux corridors situés
symétriquement de chaque côté de la scène,
lesquels, probablement contenaient des escaliers en bois. Une
autre galerie étroite permettait de rentrer dans le théâtre
par le haut. On accédait à la scène de face
par deux marches de pierres. Cette dernière était
constituée par un podium en bois posé sur une assise
en trois compartiments. Le compartiment le plus en arrière
de l'édifice était recouvert d'une toiture et devait
sans doute servir de loge aux artistes.
Aucune construction de pierre ou de bois n'arrêtait les
regards du spectateur en arrière de la scène. Il
semble que la construction du théâtre (la scène,
le podium et les gradins) ait été réalisée
en une seule fois. Cependant, il est sans doute possible que les
compositions adjacentes (maison, ateliers, bas-fourneaux)
aient pu être réalisés ultérieurement.
Le démantèlement de ces constructions pour le recyclage
des matériaux n'a pour ainsi dire laissé aucune
trace. Il est certain que des populations ont récupéré
les planches de cloisons et d'escalier, le bois de la toiture
et de l'estrade ainsi que certaines pierres d'assises.
La
nature même de théâtre suggère que le
site était utilisé pour de nombreuses activités
; à l'endroit de la scène (à l'origine surélevée)
ou du parterre devant la scène, les 600 à 700 spectateurs
pouvaient suivre toutes sortes de réunions rituelles. On
pense également à des activités sociales
ou des pratiques ludiques, (mimes, pantomimes, spectacles d'acrobaties,
danses, musiques) et également religieuses.
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Un
édifice solide consacré aux eaux.
Sur
le site, les chercheurs ont également mis à jour
la base d'un bassin carré de bois de deux mètres
sur deux et de soixante dix centimètres de profondeur.
L'étanchéité du bassin était assurée
par une couche d'argile de vingt centimètres d'épaisseur
situé à l'intérieur d'une enceinte maçonnée.
Le bassin est une preuve de l'existence passée d'un édifice
solide consacré aux eaux. Cette preuve est confirmée
par la présence de canalisations souvent rompues.
A
proximité du bassin on a également mis à
jour un foyer sur un sol de tuilots (débris de tuileries)
avec des traces très nettes de carbonisations.
Deux autres niveaux d'habitation ont été repérés
sur une strate d'argile jaune damée mélangée
à de l'arène.
Un four à fer non loin du bassin et les autres richesses
du site suggèrent qu'une population était fixée
aux lieux.
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La
valeur historique...
Situé
au carrefour des voies romaines (une voie reliait Alesia à
Gergovie croisant celle qui faisait communiquer la vallée
de la Saône et celle de la Loire), le théâtre
rural permet de localiser un vicus que l'on
découvre être l'antique Boxum.
Sur
la Table de Peutinger, établi dans
la Province de Lugdunensis-I, la ville de Boxum
(signifiant : ville du buis) se situe entre Aquis Nisinsy
(= St Honoré) et Augustodunum (= Autun) à
huit lieues de cette dernière.
Boxum, comme le racontait la tradition, semble donc effectivement
être située aux Bardiaux, à huit lieues et
demi gauloise d'Autun...
Daté du IIè-IIIè siècles, le théâtre
rural de Boxum est contemporain de cette période
de romanisation du pays durant laquelle la construction et le
réaménagement des voies (Bibracte-Alésia,
Autun-Bordeaux, Autun-Boulogne), et l'installation de domaines
(villae) dans les vallées depuis Autun ont dessiné
l'activité historique de la Montagne noire.
Le
petit théâtre rural des Bardiaux devait jouxter une
agglomération à l'habitat dispersé. L'édification
de sites de rassemblement ruraux, (somme toute assez rustiques),
comme le théâtre des Bardiaux, puis, l'intégration
des cultes païens dans la religion gallo-romaine furent les
traits majeurs de cette époque qui se terminera par le
ravage et le dépeuplement lors des invasions barbares de
la fin du IIIe siècle de notre ère.
Note : A travers la gaule une soixantaine de théâtres
ruraux est recensée (essentiellement dans le Nord et l'Ouest
du pays).
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Un
théâtre mais aussi un véritable trésor !
Contre
le mur d'enceinte du théâtre gallo-romain les fouilles
ont fourni un petit trésor en monnaies (des sesterces de
bronze datant du IIIe siècle). Ce dépôt comprenait
12 pièces à l'effigie de Tétricus
Ier. Ces
pièces étaient accompagnées de 1.065 flans
prêts à être frappés et de 6 déchets
de coulée. La comparaison des flans avec d'autres dépôts
similaires indique que les rondelles monétaires vierges
ont été très vraisemblablement obtenues par
martelage de portions cylindriques découpées dans
des tiges de bronze. Le dépôt de ces pièces
jouxtait une autre cache qui contenait des éléments
de décoration de char. Des ornements d'attelage en bronze
massif représentant des têtes de lion stylisées
avaient effectivement été dissimulés... Le
dépôt a sans doute pu constituer la réserve
métallique d'un bronzier qui fondant les objets aurait
réutilisé le métal pour fabriquer des monnaies !
Ceci témoignerait alors d'une production monétaire
réalisée au sein même d'un vicus
sous le règne de
Probus
(276-282) ou dans les années suivantes. A coté de
ce trésor monétaire d'autres sesterces de bronze
s'étalant du début du 1er siècle au milieu
du IIème siècle ont été retrouvés
dans des rouleaux de tissus enfouis dans le sol ! Des tessons
de céramique ont également été récoltés,
à l'intérieur et à l'extérieur du
théâtre. Plusieurs fragments sont d'ailleurs ornés
de motifs d'animaux forestiers (sangliers).
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Il faut aussi noter la découverte d'une petite statuette
en bronze haute de 16 centimètres "La Dame des
Bardiaux" qui est aujourd'hui entreposée au Musée
Folin de Autin. La sculpture représente une divinité
d'abondance...
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A
huit kilomètre de Château Chinon, sur la commune
d'Arleuf, dans le petit hameau des Bardiaux, un site archéologique
peu connu des Morvandiaux, a été le centre de 5
années de fouilles. Les recherches ont permis de mettre
à jour un théâtre gallo-romain de campagne
ainsi que des objets en bronze.
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Les
fondations d'une maison.
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Détail
des fondations de la maison...
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Schéma
du site des Bardiaux (théâtre, maison et chaussée).
Le cirque (orchestre + gradins) est accompagné d'une
demeure noble (maison annexe) dont les murs atteignent
une épaisseur de 1,20 m. On peut également noter
les restes d'une voie gauloise au pavage caractéristique.
(En effet, les celtes construisaient les chaussées en posant
les pierres debout).
Les
positionnements, alentours, de villas, ateliers, bas-fourneaux,
d'un bassin en bois, prouvent que le site du théâtre
rural devait être très vivant. Le théâtre
se trouvait donc au centre d'une vie importante, peut-être
une ville étape (Boxum) sur les voies gallo-romaines qui
quadrillent le massif du Morvan.
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Cinq
ans de fouilles sur le site...
Le
théâtre rural de Bardiaux retrouve épisodiquement
sa vocation originelle !
Le printemps venu, on y organise occasionnellement des
concerts ; rassemblement de chorales et ensembles instrumentaux
des collèges de la Nièvre, concerts du printemps
musical en 2003...
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Cliquez
sur l'image ci dessus pour découvrir la
manifestation :
"LES ENFANTS QUI CHANTENT" du Mardi 25 mai 2004.

Les découvertes archéologiques des monnaies gallo-romaines
dans le Morvan sont à l'origine de la signalétique
du parc (schématisation du cheval pour le logotype).
Une pièce de monnaie éduenne découverte sur
le site de Bibracte représentant un cheval au galop est
utilisée comme signalisation touristique sur le chemin
de randonnée entre Bibracte et Alésia...
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Quelques
précisions :
1) Un savoir résolument antique.
Jacques Hédeline est l'inventeur du site gallo-romain
des Bardiaux. Il était l'un des plus célèbres
puisatiers du Morvan.
Son travail consistait à trouver des sources puis à
amener l'eau aux hameaux et villages de la "Montagne
Noire".
2) Découverte au début du XVIe siècle,
à Worms en Allemagne, la Table
de Peutinger (de Konrad Peutinger d'Augsbourg)
est une carte routière constituée de onze feuilles
de parchemin qui représente les principales routes de
l'ensemble de l'empire romain. Sur une longueur de six mètres
(pour 30 centimètres de large) la carte est une représentation
schématique qui ne tient pas compte de l'échelle
des distances. La carte couvre l'ensemble de l'empire romain
jusqu'aux territoires de Chine.
Plusieurs reproductions ont successivement été
réalisées. En 1508, Konrad Celtes lègue
par testament à Konrad Peutinger (1465-1547) le document,
qui, reproduit et publié portera désormais son
nom. La carte de Peutinger est aujourd'hui conservée
à la Bibliothèque nationale de Vienne.
3)
Le flan est une rondelle monétaire
vierge en métal destinée à recevoir l'empreinte
de la pièce.
4) Dans la Gaule romaine, le
vicus est un bourg d'artisans ou une agglomération
plus ou moins ordonnée qui occupe plusieurs fonctions
: routière d'abord par sa situation géographique,
cultuelle ensuite par ses temples et théâtres,
puis, commerciale par les activités d'échanges
et d'artisanat de ses habitants.
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Découvert
en 1970, le site des Bardiaux, classé aujourd'hui aux monuments
historiques, attire de nombreux visiteurs, randonneurs, et touristes
étrangers. A l'entrée du théâtre, une
borne réalisée par la société Pyrolave-Castelsarrasin
donne le schéma des vestiges.
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Pour en savoir plus :
Pensées
d'automne N° 34 (Septembre - Octobre 1995)
Friche ou monument historique : Le Théâtre des Bardiaux
Article de Presse : Le Progrès (Mâcon) du
18/06/1980
Portrait : Jacques
Hédeline,
un homme moderne au savoir antique par Didier Cornaille
1 - Puisatier ça existe encore !
2 - Quand le puisatier se fait archéologue.
Article
de Presse : La Montagne (Centre France) N°19646
Les actualités : Archéologie en Morvan sous la
Direction du Dr Olivier. Fouilles sur l'édifice Gallo
Romain des eaux des Bardiaux.
Le
Musée Rolin de Autun
3, rue des Bancs, 71400 Autun
Tél : 03.85.52.09.76
Fax : 03.85.52.47.41
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